dimanche 30 mai 2010

VENDEE SAINT PETERSBOURG SUR ACTUAL / DEUXIEMES A 75 SECONDES DU PREMIER ….POUR MOINS DE 200 METRES....!!!!

L'entrée dans le Kattegat entre la Suède et le Danemark

Dans ces conditions, une fois la ligne d’arrivée passée et la déception évacuée on refait le match de la course depuis le début soit 1850 milles parcourus depuis St Gilles Croix de Vie et 7 jours 19 heures en mer.
Pour mon retour à la compétition à la voile, je ne pouvais rêver mieux , sinon à la victoire : un bateau et un équipage ultra performants, un parcours excessivement varié et compliqué à gérer avec beaucoup d’options possibles , de passages à niveau délicats et en plus de tout cela une météo anticyclonique aléatoire.

PREMIER ACTE : l’Océan Atlantique entre St Gilles Croix de Vie et la Pointe de la Bretagne. Après un départ enjoué sous un soleil printanier, nous passons la bouée de dégagement en seconde position juste derrière notre adversaire direct Crêpes Whaou 3 et engageons une longue séquence de près serré par une brise médium. Le soir tombe vite et nous restons au contact. Le bateau va bien, calé sur son flotteur sous le vent il avance régulièrement à 12 13 nœuds et je retrouve les sensations agréables de barrer en course contre un adversaire redoutable qui marche à peu près à la même vitesse que soi. Concentration extrême. J’aime ça. Notre organisation à trois est pour l’instant assez désorganisée, nous nous attachons à être toujours deux sur le pont, mangeons sur le pouce en passant devant la cuisine pour gagner la table à carte. Pour ceux qui ne sont pas au courant, sur ce trimaran long de 15 mètres, l’espace de vie dans la coque centrale est concentré sur 5 petits mètres : couchette commune, réchaud double feu, table à carte minimaliste face à l’écran de l’ordinateur de bord. Au milieu de la nuit nous passons le Raz de Sein vent contre courant à toute vitesse et en nous faisant bien secouer. Yves barre et je suis la navigation attablé à la table à carte : je retrouve mes phares de légende, La Plate, La Vieille et Tevennec avec ce courant toujours vicieux qui nous emmène dessus. Nous traversons comme un avion la mer d’Iroise pour nous retrouver à l’entrée du Chenal du Four à contre border avec CW3 surgit de nulle part dans cette nuit d’encre trouée seulement par l’éclat perçant des phares. Première rencontre….premier croisement dont nous sortons vainqueur.
Le cockpit d'Actual

DEUXIEME ACTE : la Manche…. Traversée à bloc au reaching jusqu’au raz Blanchard et le Cotentin, en une dizaine d’heures, nos adversaires toujours à nos trousses, à seulement quelques milles derrière. Mer belle, grand soleil. Le vent faiblit sous Aurigny et les voilà qui fondent sur nous au gré d’un empannage, mais nous reprenons l’avantage grâce à une renverse favorable et nous envolons dans la nuit vers la sortie de la Manche et la Mer du Nord. Le vent mollit encore au début de la nuit. Devant Fécamp nous croisons de près des pêcheurs qui ont coupé leur AIS (système anti collision dont sont équipés tous les bateaux). Nous nous attachons à rester sur le bord le plus favorable et enchaînons les empannages. Au petit matin j’ai un bon enchainement de trois heures qui nous permet de nous approcher assez rapidement du Cap Gris Nez qui marque la fin de la Manche. Au dernier classement nous avons quinze milles d’avance . C’est beaucoup et nous pensons avoir fait le trou. A proximité du cap, le vent déjà léger faiblit considérablement ce qui nous décide de nous écarter de la côte pour regagner le milieu du détroit. Décision logique mais malheureuse puisque nous nous encalminons totalement un peu plus loin. Je suis réveillé par des mouvement sur le pont et des cris de rage : nous apercevons au loin la grand voile caractéristique de notre adversaire qui progresse à la côte poussé par un nuage improbable . Tout est à refaire….Il est midi.

TROISIEME ACTE : la Mer du Nord…. Course poursuite le long des côtes belges derrière CW qui marche très fort et prend un peu de distance malgré tous nos efforts. Vent de travers ça avance très vite, le vent forcit en adonnant, et à la tombée de la nuit nous attaquons la remontée vers la pointe nord du Danemark pleine balle. Nous attaquons notre troisième nuit en mer avec 5 milles de retard. Nous décidons de rentrer dans une organisation un peu plus régulière avec des repas plus rythmés et en s’imposant chacun 3 heures de repos toutes les 6 heures. Plus les heures passent, plus le vent grimpe et plus la mer se raccourcit, une vraie mer du Nord, bien grise, bien froide, bien cassante. J’envoie dans la soirée de mercredi un petit mail à l’organisation :
« Nous venons tout juste de larguer 1 ris et ça secoue tellement que j’ai du mal à trouver les touches du clavier, attablé en ciré à la minimaliste table à carte d’Actual. Dans ces moments, en multicoque, à plus de 20 nœuds dans les bosses, il faut vraiment faire confiance au matériel. On se demande comment tout cela va tenir et on souffre pour le bateau. Dehors , Ronan attaque à la barre. On peut lui faire confiance, il ne lâchera rien par rapport à CW3 dont on distingue la GV à 1 mille à notre vent. Nous avons traversé la mer du nord dans la journée et elle n’a pas failli à sa réputation, cassante à souhait, avec un vent de NW oscillant entre 15 et 20 nœuds. Sans la pluie, c’est déjà ça. Nous venons de croiser le mât de Tag Heuer qui git là par 30 mètres de fond depuis la fameuse course de l’Europe de 1985 et un peu plus avant celui de Roger et Gallet, ça ne nous rajeunit pas… mais ça prouve l’âpreté de cette mer…. Que nous espérons quitter dans la nuit pour nous enfiler dans le détroit séparant la Suède de la Finlande. Et hop une pointe à 23 nœuds…. C’est marrant le bateau siffle d’une façon sympathique à partir de 20 nœuds et rentre dans les aigus au dessus. J’ai vraiment de la chance d’avoir Yves et Ronan comme coéquipiers. Ils prennent le temps de m’expliquer leur bateau, les détails techniques et les manœuvres qui ont bien évolué ces dernières années. A la barre Actual est agréable , très évolutif ce qui permet heureusement de le faire passer plutôt bien dans ce type de mer. Bref tout va bien à bord et nous nous apprêtons à continuer au mieux la deuxième partie de la course ».
A la table à cartes d'Actual

Comme souvent le vent faiblit à l’approche de la côte lorsque nous attaquons le virage à droite le long du Danemark. Le soir du quatrième jour nous sommes plus éloignés du vent et retrouvons une allure presque plus tranquille à un tel point que nous prenons le temps de contempler un coucher de soleil magique à…. 11 heures du soir…. A ces latitudes très nord, les nuits deviennent de plus en plus courtes à mesure que s’approche l’été….C’est agréable. Ce qui est encore plus agréable c’est de retrouver CW à quelques milles sous notre vent. Nous avons repris la tête…..

QUATRIEME ACTE : la Mer du Danemark
Quand le jour se lève, ça commence mal. Profitant des brises évanescentes et irrégulières de la nuit CW s’est encore échappé…. Nous distinguons à peine sa grand voile là bas au loin à l’entrée du détroit du Kattegat. Comment ont-ils fait, nous avons eu pourtant l’impression de ne pas faire d’erreurs cette nuit. Toujours est-il qu’il va falloir se secouer sans compter que le temps n’est pas violent. Nous réunissons un « conseil de guerre » à trois pour décider de la meilleure stratégie car nos routages indiquent deux trajectoires radicalement opposées, l’une assez risquée mais plus directe à travers un chenal assez étroit bordé de hauts fonds sur lesquels il sera impossible de passer, l’autre plus allongée mais aussi plus ouverte. J’aurais préféré la première option mais à deux contre trois je m’incline et nous choisissons la gauche du plan d’eau…. La journée se passe avec de nombreux empannages qui nous rapprochent de la côte suédoise. Le soir nous nous recalons correctement par rapport à CW qui est localisé à moins de 5 milles devant. D’ailleurs, il nous semble l’apercevoir droit devant en écarquillant bien les yeux ou en utilisant les jumelles. La nuit qui vient risque d’être compliquée. En effet le détroit s’étrécit à moins de 2 milles face à Malmoe, où il va falloir passer sous un immense pont suspendu qui relie la Suède au Danemark. Le vent souffle évidemment dans l’axe et il va falloir enchaîner les empannages. Heureusement sous grand « gennaker » cette manœuvre est facile et nous la réussissons couramment à deux . A la fin de la nuit, je suis de quart avec Yves et nous allons passer un grand moment : nous passons à raser la pile du pont , il ne faut pas s’écarter car le chenal est très étroit et cela mobilise l’attention (ou la tension) du barreur. Il est quatre heures du matin, Malmoe s’éveille et un camion passe au dessus de nous dans un sourd grondement… Nous longeons ensuite un champ d’éoliennes qui s’ébrouent doucement dans le calme de ce matin clair et …. rattrapons inexorablement notre adversaire à son tour en manque de vent. Nous passons devant en espérant leur flanquer un grand coup au moral et la régate au contact reprend de plus belle.

Yves concentré à la barre

CINQUIEME ACTE : la Mer Baltique
Les fichiers météo s’accordent pour une fois sur le fait que la traversée de la Baltique ne va pas être rapide tant les isobares sont espacés. CW3 est visible à moins d’un mille sous notre vent et sous sommes enclins à ne pas perdre le contact. Mais la visibilité tombe brutalement avec l’arrivée d’un épais brouillard qui ruine nos espérances. Nous allons connaître une dure journée : pas de visibilité, une brise aléatoire souvent proche de l’invisible et qui a tendance à nous lâcher au milieu du trafic des cargos et ils sont nombreux.... Même avec l’AIS c’est angoissant. Le samedi 22 mai à 4 heures du matin, j’écris en redescendant de mon quart sur le pont et avant d’aller dormir 3 heures :
« Le chaud et le froid… Depuis que nous sommes rentrés en mer Baltique, c’est une course en accordéon contre notre principal adversaire CW3 qui a tourné à notre défaveur la journée d’hier suite à quelques calmes complets qui ont arrêtés notre progression. Le froid donc de ces ralentissements imprévisibles et le chaud d’être revenus en tête de la course à la sortie du détroit. Nous avons passé une journée digne des Grands Bancs de Terre Neuve avec un brouillard tenace sur une mer noire, les voiles qui dégoulinent d’humidité ou dégoulinent tout court lorsqu’elles pendent inertes par manque de vent. Et avec cela un trafic digne de la Manche à nous coller des angoisses avec tous ces bruits de machines autour de nous sans qu’on puisse distinguer aucun navire qui va avec.»
Et puis avec tout ça CW3 nous a passé sans qu’on sache par bâbord ou tribord et nous a pris une dizaine de milles . De plus, les danois nous ont collé une île de 30 km de long juste devant nos étraves, tout s’enchaîne mal et nous nous retrouvons avec un retard de 25 milles le samedi matin au moment où le vent a l’air vouloir se stabiliser et nous permettre d’envisager un long bord de reaching jusqu’à l’entrée du golfe de Finlande. C’est le plus long écart qui a existé jusqu’ici entre nos bateaux mais nous avons la hargne et il est hors de question de baisser les bras. Toute la journée, toute la nuit qui suit nous allons nous battre pour revenir, réduire l’écart avant la dernière longueur vers la ligne d’arrivée. Comme l’avaient annoncé nos fichiers météo, plus le temps passe plus le vent augmente et notre vitesse avec, et , au lever du jour nous avons l’extrême plaisir de revoir la silhouette de notre adversaire tout proche à seulement quelques encablures .
Ronan Deshayes

SIXIÈME ET DERNIER ACTE : Le golfe de Finlande
Le vent a adonné, bien faibli et souffle maintenant, comme on dit dans notre jargon, «plein cul». Ce n’est pas forcément pour nous avantager, mais à force d’empannages bien calculés et de bonnes options, nous gardons le contact si bien qu’au pointage du dimanche soir, alors que nous nous trouvons à moins de 80 milles de la ligne, nous sommes quasi à égalité.
Les nuits sont courtes à cette latitude et quand le jour se lève, nous retrouvons notre adversaire bien calé à notre vent. Nous sommes à moins de 15 milles de l’arrivée et nous allons finir au sprint quasiment bord à bord cette course incroyable. Concentration extrême, tandis que Ronan s’applique à la barre, avec Yves nous peaufinons les réglages et surveillons le plan d’eau. Le vent est passé au nord faible et nous marchons au près serré à près de 13 noeuds sous code zéro. A vitesse quasi identique, je ne vois pas comment nous allons passer notre adversaire si les conditions n’évoluent pas. Alors que nous pénétrons dans la zone d’attente des cargos et autres pétroliers, le vent semble forcir et nous jouons le tout pour le tout en changeant notre «code zéro» pour le «solent» qui devrait nous permettre de gagner en cap . Malheureusement pour nous ce renforcement du vent ne se confirme pas, bien au contraire... La ligne d’arrivée est maintenant toute proche, nous distinguons le bateau jury et la bouée de bout de ligne. Il reste un virement de bord et notre seule chance serait que nos adversaires le ratent.... Ce qui n’est pas le cas tellement ils sont appliqués et concentrés.... Voilà, c’est fini, ils ont gagné, bien gagné, bravo à nos valeureux adversaires .... Et nous, et nous, nous finissons second à moins de 200 mètres après plus de 3500 kilomètres de course.... Quelle histoire , quelle belle histoire finalement....

Le bel équipage du trimaran de 50 pieds ACTUAL : Yves LE BLEVEC, Ronan DESHAYES, Eric LOIZEAU

mardi 11 mai 2010

En course vers St Petersburg sur le trimaran Actual



Après la belle prestation (victoire et record) du Tour de Belle Ile le weekend dernier, Eric continue à bord du trimaran de 50 pieds ACTUAL avec Yves Le Blévec (skipper pour la prochaine Route du Rhum en solitaire) et Ronan Deshayes, équipier préparateur du bateau.
Course de 1850 milles nautiques entre la Vendée et St Petersburg, c'est une nouvelle épreuve réservée à la classe des trimarans de 50 pieds qui se court obligatoirement à trois équipiers. Le parcours est sélectif, inédit dans ce sens, avec de nombreux passages à niveaux dus à la force des courants, la traversée de mers différentes (Atlantique, Manche, Mer du Nord, Baltique), et une météo changeante, de quoi rendre la régate sélective et intéressante.


Eric Loizeau : " Je suis ravi qu'Yves m'ait invité à courir sur son superbe bateau. J'ai pu le tester le weekend dernier, c'est un trimaran très rapide pour sa taille, extrêmement bien construit et qui va me rappeler mes anciennes sensations sur mes propres multis. En plus courir à trois c'est plutôt sympa et inhabituel. Nous l'avions expérimenté à bord du trimaran Gauloises 4 pendant le premier La Baule-Dakar, mais cela avait été un choix stratégique car pour cette course le nombre d'équipiers n'était pas imposé... Je connais bien Yves et Ronan, ce sont d'excellents marins et je suis sûr que nous allons bien nous entendre pour mener le bateau à fond..."

Le départ a lieu dimanche prochain 16 mai du port vendéen de St Gilles Croix de Vie pour une course qui devrait durer entre 7 et 10 jours selon la météo. Rendez vous donc pour la suivre sur son site officiel : www.vendee-saintpetersbourg ou sur celui de l'agence Kaori : www.kaori.fr .



lundi 10 mai 2010

Namibie, un voyage nature en trois dimensions ....

Le massif du Spitzkoppe
Montagne, mer, désert....
Montagne avec ce fameux Spitzkoppe, piton de granit orange érigé au milieu de la steppe désertique du Damara Land que nous avons gravi en ouverture.
Mer en suivant les rivages sablonneux de l’Atlantique sud entre Cape Cross et Walvis Bay .
Désert abricot de sable et de pierres exploré en trois jours de marche dans le Namib .

Captain écolo bigorneau, je suis parti avec mes amis explorer cette région du bout du monde avec mon oeil d’expert en développement durable : que se cache-t-il derrière ces paysages merveilleux?? quelle est l’empreinte des hommes sur l’environnement dans cette jeune république (1990) qui se découvre une soudaine vocation touristique ??

Le Spitzkoppe pour commencer se situe à près de 400 km dans le sud ouest de la capitale Windhoek et environ à la même distance de l’océan atlantique, dans un parc naturel géré par une communauté Damara. Peu connu des européens, c’est un haut lieu de l’escalade en terre australe, fréquenté par de nombreux grimpeurs sud africains. En dehors de la voie normale qui mène au sommet, le massif recèle plusieurs longueurs de différents niveaux, toutes fort bien équipées, dans un granit très adhérent. Les bivouacs sont autorisés dans des «camp sites» protégés par de grands acacias et munis de poubelles dans lesquelles les visiteurs vident leurs déchets, si bien que rien ne traine nulle part. Pour le reste, nous étions équipés de toilettes sèches ce qui évite de disséminer des papiers dans la nature....


La voie normale pour le sommet est relativement fréquentée. Nous l’avions découverte et gravie une première fois pendant l’été 2008 avec François Pallandre guide grimpeur de Chamonix, un de mes copains summiter de l’Everest... C’est une belle escalade mixte qui débute par une longue marche d’approche bien raide au milieu de blocs erratiques et d’épineux agressifs avec quelques passages où il faut sérieusement se servir des mains. Après une diabolique fissure qui permet de changer de face, un premier rappel emmène au début de l’escalade proprement dite qui consiste en 4 ou 5 longueurs aériennes avec quelques passages clés en 6a+, le tout équipé sommairement ce qui nécessite d’emporter une batterie conséquente de friends et coinceurs.... Le retour s’effectue par 3 superbes rappels pendulaires de 50 mètres chacun.
De quoi meubler une bonne journée en partant potron-minet à la lueur des frontales. Côté environnement, on ne peut pas dire que les grimpeurs locaux laissent traîner trop de choses sur leur passage.... Les rares bouteilles vide en plastique et déchets que nous avons trouvées avaient été probablement laissées par des chercheurs de cristaux d’améthystes malheureusement moins soucieux de préserver la nature.

Après trois jours passés à grimper, nous roulons vers l’ouest et la mer, à travers de sublimes paysages désertiques à perte de vue.

Cap à l'ouest vers l'Océan atlantique

Nous arrivons ainsi à Cape Cross , cap rocheux isolé au milieu de cet interminable littoral de sable long de presque 2000 kilomètres , lieu de débarquement des premiers découvreurs portugais au milieu du quinzième siècle (1486). A part un lodge confortable construit récemment sur la plage, rien n’a changé depuis cette époque. Une immense colonie d’otaries attirées par les eaux froides et la chaleur des rochers occupe les lieux depuis ce qu’il semble être une éternité dans un concert ininterrompu de cris rauques ou perçants en dégageant une odeur épouvantable. Délaissant le promontoire réservé aux touristes, je m’aventure en terre interdite (nous sommes dans un parc national) un peu plus loin sur la plage pour m’approcher de cet énorme troupeau. Le sol est jonché d’ossements blanchis par le soleil car ici la nature est impitoyable : oiseaux de mer et chacals viennent régulièrement faire leur marché en attaquant sans vergogne les nouveaux nés délaissés par leurs parents qui font impavides la sieste un peu plus loin...

Marée d'otaries près du Cape Cross

A part cela très peu de déchets d’origine humaine. C’est d’ailleurs ce qui me surprend en arpentant ce rivage des mers australes, cette propreté à laquelle nous ne sommes plus habitués nous autres bretons ou méditerranéens. Mais, il ne faut pas se leurrer : les raisons en sont tout d’abord le faible trafic maritime dans le secteur (2 ports de commerce pour 2000 km de côte) et l’infime fréquentation humaine (quelques pêcheurs à pied venus de Walvis Bay et Swarkopmund les seules villes dans une ronde de 1000 km), ensuite les navires ont plutôt tendance à s’écarter de cette zone rendue dangereuse par la violence des courants et le peu de visibilité, comme en témoignent les nombreuses épaves qui jalonnent cette côte au nom évocateur de Skeleton Coast.
Je ferai d’ailleurs ces mêmes observations écologiques lorsque nous naviguerons en kayak de mer au milieu des otaries et des dauphins le long de la lagune de Walvis Bay même si cette partie de la côte est voisine du seul port de commerce de l’endroit et plus fréquentée par les touristes. Ici, les mammifères marins ne risquent pas de mourir en ingérant par erreur des sacs plastiques.... et c’est tant mieux.

Kayak de mer et otaries à Walvis Bay

Ensuite nous avons traversé une partie du désert du Namib.... Trois jours de marche par étapes d’une vingtaine de kilomètres chacune au milieu de longues dunes abricot, à travers de plaines immensément arides, au fond d’oueds secs rafraichis par l’ombre miséricordieuse des inévitables acacias. Nous marchions le matin et l’après-midi, légers de bivouacs en bivouacs érigés par une minimaliste mais efficace équipe logistique à proximité des rares villages de bergers.

Marcher dans le désert....

Nous dormions à la belle étoile à même le sol sablonneux des oueds en évitant de penser au voisinage des inévitables cobras et autres bestioles. Peu de villages, peu d’habitants, peu de rencontres, un grand silence traversé seulement par la plainte lancinante du vent du désert. Une nature vierge et propre : les namibiens ont l’habitude de brûler systématiquement tous leurs déchets. C’était d’ailleurs la façon de procéder de notre équipe logistique qui effectuait chaque matin un tri systématique de nos restes avant d’incinérer tout ce qui paraissait consumable et en particulier nos emballages plastiques, bouteilles d’eau vide, etc... On peut simplement se poser la question de l’impact écologique de ce genre de pratique qui a comme seul avantage de ne pas laisser de traces ....

Gestion des déchets au bivouac...!!!

De retour à Paris par ce mois de mai frigorifique, je recommande bien entendu très fort à tous les amoureux de la nature et des grands espaces vierges ce voyage extraordinaire, décalé (surtout en hiver) et très décapant.

Pour conclure je tenterais volontiers une jolie «Lapalissade environnementale» : les endroits les plus pollués sont ceux où la concentration humaine est la plus forte....
Ce n’est évidemment pas le cas en Namibie où la densité humaine est extrêmement faible , un peu plus de 2 habitants par kilomètre carré... A cela s’ajoute forcément l’historique de la colonisation allemande au 19 siècle et l’empreinte germanique sur tout le pays quand on sait que nos voisins outre Rhin sont des modèles en ce qui concerne la préservation de notre planète.